Être "mindful" ou comment lâcher prise

Pour ceux qui ont déjà réalisé des treks en pleine nature ou qui se sont engagés dans de longues traversées à vélo, j’imagine que vous serez unanimes pour me dire à quel point le bien-être que vous en avez retiré était fort et unique ! J’ai moi-même connu ça lors de mes différents voyages. Une conséquence : l'envie toujours plus forte de renouer avec cette sensation.

C’est en m’intéressant au bouddhisme (au travers de mon expérience au Zanskar) que j’ai découvert que ce bien-être quasi absolu pouvait être relié à un état bien précis : l’état de mindfulness.

Se trouver dans un état de mindfulness, ou encore être mindful, qu’est-ce que ça signifie ? En quelques mots, c’est accéder à la pleine conscience de ce qui vous entoure. Ce n’est toujours pas clair ? On continue alors.

Définition et origines de la mindfulness

Initialement dérivé du Pali, la langue de la psychologie bouddhiste, le terme « mindfulness » vient de la combinaison de deux mots :

  • Sati, qui signifie « prise de conscience »
  • Samprajanya, « compréhension claire », indiquant une manière d'être conscient et attentif à tout ce qui se passe.

Il a été utilisé dès le 19° siècle par les auteurs anglo-saxons et c'est à la fin du du XX° siècle qu’il s’est popularisé :

  • par Thich Nhat Hanh dans une perspective bouddhiste s'adressant à des occidentaux
  • par Kabat-Zinn, de manière laïque, dans le cadre d'un programme de gestion du stress et de ses émotions

On peut résumer la mindfulness comme étant le fait de « prêter attention avec patience à ce qui se passe ». Elle consiste à centrer sa conscience sur le présent, sans porter de jugement, et à faire en sorte que chaque pensée, sentiment, ou sensation qui se pose dans le champ de l'attention puisse être reconnus et acceptés comme tels.

« La mindfulness consiste à centrer sa conscience sur le présent, sans porter de jugement. »

Selon le philosophe Husserl, être mindful, c’est « prêter attention à l'expérience telle qu'elle se présente sans aucun filtrage d'interprétation. »

La mindfulness est originaire des pratiques spirituelles introspectives orientales, principalement du bouddhisme, et peut être cultivée à travers la méditation. Toutefois, on trouve des formes de mindfulness et de méditation dans presque toutes les religions du monde, comme la méditation yogique dans la tradition hindoue, la méditation kabbalistique dans le judaïsme, la prière contemplative dans le christianisme et la méditation Soufie dans l'islam. 

Les bienfaits avérés de la mindfulness

Dès 1979, le professeur Jon Kabat-Zinn, formé au MIT, propose la méditation comme un remède permettant de faciliter l'adaptation à la maladie et de gérer la douleur chronique. Il développe un programme de gestion du stress et de ses émotions (MBSR) qui s’appuie sur une formation systématique à la mindfulness.

Depuis, les applications cliniques de la mindfulness sont devenues monnaie courante. Le programme MBSR a été appliqué pour réduire les troubles émotionnels et comportementaux et pour le traitement de plusieurs types de maladies : maladies mentales chroniques, fibromyalgie, anxiété et crises de panique, dépression, sautes d'humeur et stress chez les patients cancéreux, trouble hyperphagie alimentaire, sclérose en plaques.

La méditation dite « de pleine conscience » permet d’accéder à un état de mindfulness. Le méditant observe ce qu’il se passe à l’intérieur de lui-même. Il adopte une attitude d’absence de jugement et d'ouverture à l'instant présent, couplée à un sentiment de calme ou de compassion. Cet esprit d’acceptation est nommé « détachement intime » ou « décentrement ». Vous n'êtes plus tiraillé par le passé ou le futur, vous êtes dans le présent !

Ainsi, le méditant n’est pas emprisonné par le contenu de ses pensées et de ses sentiments, mais les considère avec du recul, comme une matière brute. En d'autres termes, il s’agit de faire l’expérience directe des événements environnants dans son corps et son esprit sans se laisser capturer par eux.

« Le méditant n’est pas emprisonné par le contenu de ses pensées et de ses sentiments, mais les considère avec du recul, comme une matière brute. »

 Ce « décentrement » a pour effet de créer un espace de réflexion dans lequel de nouvelles façons de percevoir et de répondre à des événements deviennent possibles, ce qui évite d'adopter des réactions impulsives, automatiques ou de rumination et ce qui permet de réguler ses émotions. En bref, plus de recul et moins de prise de tête face aux événements !

Malgré les conditions de vie extrêmes au Zanskar (Himalaya), les habitants font preuve d'une patience et d'une acceptation face aux éléments sans faille. La mindfulness est une disposition naturelle chez eux.

Une autre des conséquences de la mindfulness est l'augmentation de la conscience de son corps.

Les méditants expérimentés acquièrent une capacité élevée à se concentrer et à maintenir leur attention tout en étant moins sensibles aux différentes distractions et intrusions à la fois pendant leur méditation mais également dans leur vie quotidienne

Comment accéder à un état de mindfulness ?

L'une des pratiques les plus courantes de la mindfulness, en particulier dans les thérapies basées sur la mindfulness, est la pleine conscience de la respiration.

Dans un de ses enseignements types, Kabat-Zinn suggère de s’assoir confortablement avec les yeux fermés et de diriger son attention sur les sensations physiques de la respiration, simplement en la remarquant, en se concentrant sur elle, et en étant conscient de cela.

Quand des pensées, des émotions, des sensations physiques, ou des sons externes se produisent, il s'agit de les accepter et leur permettre d'aller et venir sans les juger ni vous y raccrocher. Un peu comme lorsque vous voyez les nuages défiler et se déformer dans le ciel ; ils existent bel et bien mais ils ne sont que passagers, éphémères.

« Acceptez vos pensées, vos émotions, vos sensations physiques et permettez-leur d’aller et venir sans les juger ni vous y raccrocher. »

Lorsque votre attention a dévié de votre respiration pour se focaliser sur vos pensées ou vos sentiments (et oui, l'esprit est obstiné !), il est conseillé de simplement faire le constat de cette dérive et de reporter doucement votre attention vers votre respiration.

Les études montrent que 20 minutes de méditation quotidienne pendant 6 semaines permettent de déjà ressentir les bienfaits liés à la méditation !

« A partir de seulement 6 semaines de méditation, vous pourrez constater les bienfaits dans votre vie quotidienne ! »

Kabat-Zinn a dressé une liste des attitudes et des comportements qui contribuent à développer la mindfulness dans la vie quotidienne : 

  1. l’absence de jugement : Ne dressez pas de conclusions prématurées par rapport à vos expériences vécues
  2. la patience : Laissez les choses se dérouler dans leur propre temps, sous vous impatienter
  3. l'esprit du débutant : Soyez réceptif et ouvert à toute nouvelle possibilité et ne restez pas coincé dans les ornières de votre propre expertise
  4. la confiance : Construisez-vous une bonne base de confiance en vous et en vos sensations
  5. le non-effort : Travaillez vos forces et non pas vos faiblesses. Cela vous demandera moins d'effort (qu'être ce que vous n'êtes pas réellement) et vous procurera plus de satisfaction
  6. l’acceptation : Voyez les choses telles qu'elles le sont réellement dans le présent
  7. le lâcher-prise : Acceptez les expériences comme elles arrivent

Enfin, de récentes études ont montré que la pratique régulière d'une activité physique à un niveau d'effort modéré (marche, jogging, vélo, natation ...) permet d'augmenter votre disposition naturelle à la mindfulness.

« La pratique régulière d’un exercice physique à un niveau d’effort modéré permet d’augmenter votre disposition à la mindfulness. »

Par exemple, lorsque vous marchez ou faites du vélo régulièrement, pendant une durée relativement longue, votre attention va naturellement se "décentrer" de vos pensées - comme ce qui se produit lors de la méditation - et vous allez progressivement accéder à cette pleine conscience, avec tous les bienfaits qui y sont associés !

Après plus de 10 jours de marche en solitaire à travers l'Himalaya, perchée à plus de 5500 mètres, j'accède à ce paysage fabuleux tout en me trouvant dans un état de mindfulness.

Voilà ce qui explique ce que j'avais ressenti lors de ma longue marche de plusieurs mois auprès des nomades éleveurs de rennes, lors de ma traversée de l'Alaska à vélo ou encore mon trek en solitaire à travers l'Himalaya ! Je m'étais sentie comme en osmose avec les éléments, sans qu'aucune pensée ne vienne perturber cet état proche de la transe.

Alors maintenant, j'espère vous avoir éclairé et j'attends votre retour sur vos propres expériences de mindfulness !