À toi, qui rêves d’une nouvelle vie

« Ce matin, je me lève, comme tous les autres matins. Mais ce matin, je n’ai plus envie de me lever. Car au fond, je ne sais même plus pourquoi je me lève. Alors pourquoi ? Je me lève parce que je dois me lever. Je le dois. Pour moi. Pour ma famille. Faut que ça continue. De toute façon, qu’est ce que je pourrais faire d’autre ? Je ne vaux rien. Alors à quoi bon espérer ? Fais ce que tu as toujours fait et ne te pose pas de questions. Lève-toi, habille-toi, prends ton café et pars au boulot. J’ai là-bas quelques collègues avec qui je vais passer du bon temps. C’est déjà ça. Et puis demain, ça ira mieux. Oui. Demain, ça ira mieux … »

Sais-tu combien de fois j’ai pensé ça, à l’époque où je vivais mon autre vie ? Des dizaines, des centaines de fois. Ce refrain était devenu ma douleur, un pieu contre lequel je m’appuyais et qui en même temps, s’enfonçait davantage en moi, lentement, chaque fois un peu plus profond dans mes entrailles. J’étais au bord de la déprime, du gouffre, du néant. Oh non, n’imagine pas que je pleurais toute la journée, que j’arrivais au boulot – ce foutu boulot – avec les traits dégoulinants de tristesse. Non, je portais mon masque, mon armure. Le sourire, la parole légère, le petit mot sympathique qui fait toujours rire tout le monde. Ce que je n’avais pas en moi, je tentais de le trouver chez les autres. Mais si tu te penchais davantage vers moi, que tu ouvrais sincèrement les yeux sur moi, tu aurais lu dans mon regard cette détresse que j’éprouvais, cette solitude, ce vide contre lequel mon cœur se débattait. Le problème, c’est qu’on ne prend pas le temps de se regarder, vraiment.

Si je te raconte ça, c’est pour te dire à quel point j’ai souffert avant de trouver ma voie. Et à quel point je me suis tue, résignée presque, parce que je pensais être seule à éprouver cela, ce sentiment d’inutilité, d’ennui, et de désespoir. Comprends bien qu’en mon temps – non, je ne suis pas si vieille que ça, mais notre société s’est radicalement transformée depuis, avec une vitesse effrayante – il n’y avait pas tout ce qu’on peut trouver maintenant sur internet, pas de réseaux sociaux pour partager, pas cette folie de bien-être qu’on essaime partout aujourd’hui, dans les livres, les magazines, ou les blogs. Non, il n’y avait rien de tout cela. Juste toi et ces réflexions, ces questions sans réponses que tu serres contre toi comme un honteux secret. Ceci étant, c’est toujours valable aujourd’hui. Le règne extravagant de l’apparence nous contraint à ne montrer que le meilleur de nous-mêmes – la surface de nous-mêmes – et à taire ce qui fait de nous ce que nous sommes, des êtres humains : nos vulnérabilités, nos failles, nos faiblesses, notre vérité.

Mais voilà, arrive l’instant où tu ne peux plus reculer. Car si tu recules, c’est la mort. La mort de ce que tu es, de tout ce que tu aurais voulu connaître sur toi-même et que tu ne connaîtras jamais. Cet instant, il jaillit comme une étincelle, fragile et éphémère. C’est l’instant où, pour une raison donnée, ta conscience s’entrebâille et laisse s’échapper un mince filet de discernement. Soudain, tu vois. Tu vois que tu n’es pas à ta place, que tu t’es perdu, terni, aliéné, que le reflet que te renvoie le miroir, chaque matin, ce n’est pas toi. Mais surtout, tu vois qu’il y a autre chose en toi, une source cachée d’espoir, de lumière, qui, lorsque tu te tournes vers elle, te redonne la joie. C’est comme une douce chaleur intérieure, comme lorsque tu te trouvais, enfant, dans les bras de ta mère, contre les rondeurs de sa poitrine, et que tu te sentais bien, simplement bien, en sécurité, confiant en ce qui était et ce qui serait. Cet instant, seul toi es capable de le saisir. Et tu le dois. Il est l’amorce de ce que tu peux être, l’esquisse d’une vie qui s’offre à toi, qui cette fois-ci, te rapprochera un peu plus de toi-même. Cet instant est ton devenir.

Je te le confie, l’unique clé qui a ouvert la porte de ma nouvelle vie, c’est d’avoir cru en cet instant, et de l’avoir saisi. Dès lors où tu le feras, toute ta perspective se renversera. Tu ne te diras plus : « Demain, ça ira mieux. » mais « Maintenant, ça ira mieux. » Bien sûr, je ne te le cache pas, tu te lances dans une longue et épineuse aventure. Il te faudra affronter tes propres mensonges, modifier l’architecture de ton quotidien, faire des choix et, de façon inévitable, des sacrifices. Plusieurs fois, tu douteras, tu te sentiras seul, intensément seul, comme lorsque déjà, tu te martelais l’esprit de questions sans réponses et te retournais à ton insatisfaction. Mais cette fois-ci, tu seras dans le mouvement, dans l’action. C’est à cette condition que tu creuseras la différence. Tu ne seras plus dans l’attente de ce qui peut être, mais dans la création de ce que tu veux être. Vouloir. La volonté. C’est bien cette ressource que tu dois cultiver, car elle est à l’origine, au commencement de tout. Rien n’a été mis au monde sans volonté. Sache ce que tu veux et pour cela, écoute attentivement ton cœur, et va où il te porte.

Car il est une vérité que je ne cesse de vérifier, d’expérience en expérience, c’est que tout, absolument tout, est en nous. Les réponses que nous attendions désespérément dans l’ombre de la nuit se révèlent à la lumière de nous-mêmes. C’est pourquoi la solitude que tu redoutes tant est finalement une bonne chose. La solitude t’ouvre à toi-même, aux sombres replis de ta conscience qui recouvrent des évidences que tu ignorais. Elle s’empare de ton regard et le projette là où tu n’osais pas aller, par confort – le confort de l’immobilisme, de ne pas changer, de se rassurer par un « pas si mal » à défaut d’un « mieux » – mais surtout par peur.

La peur, j’y viens. Il est une peur qui regroupe toutes les autres : la peur de l’inconnu. Dresse le bilan de tout ce qui t’effraie – peur de perdre, de déplaire, de l’échec – et tu pourras toujours y mettre comme racine, l’inconnu. Dis-toi que cette peur s’efface à une condition : agir. Lorsque tu décides d’agir, tu enclenches le merveilleux mécanisme de la vie, et d’étapes en étapes, tu enrichis tes connaissances, et ce faisant, tes peurs s’effacent, peu à peu, au rythme même où s’évanouit ce que tu considérais auparavant comme inconnu. Les cimes du connu ne s’atteignent qu’en avançant, pas à pas. Elles sont l’empreinte d’un temps qui passe et d’une expérience qui se bâtit. Agis, donc ! Rencontre ces personnes que tu hésitais à rencontrer, car différentes – inconnues. Lis ces livres qui ont pris la poussière, car entreposés dans un recoin de ta bibliothèque. Inspire-toi de tout ce qui t’entoure et considère chaque chose, chaque personne, chaque expérience comme un reflet de toi-même. Ton cœur saura te murmurer ce qui t’est bénéfique, ou au contraire, inutile voire nocif. Et une fois dans cet élan, persévère et ne lâche rien. Je te l’ai dit, c’est une aventure éprouvante, car sans fin, mais ô combien épanouissante, exaltante, car nécessaire ! Si tu doutes, replie-toi sur l’étincelle qui repose en toi, agrippe-toi à elle, cramponne-toi, afin qu’elle subsiste, qu’elle survive au temps, aux peurs, aux vents contraires, et que d’étincelle, elle grandisse en un flamboyant feu intérieur. C’est ce feu qui nous anime. Il nourrit notre âme.

Toi qui rêves d’une nouvelle vie, voici les quelques mots que je souhaite t’offrir, portés par le vent de mon inspiration. Car vois-tu, ma nouvelle vie, qui a vu le jour il y a maintenant plus de 9 ans, n’est faite que d’inspiration, à travers le voyage, l’écriture, la rencontre. Jamais je n’aurais cru cela possible. Et pourtant, cette vie est là, si vraie que j’ai la sensation de pouvoir la toucher, la caresser, et la bercer de nouveaux désirs, qui m’amèneront encore vers d’autres horizons. Si j’ai encore peur ? Oui, évidemment. Mais j’ai appris à aimer cette peur. Car elle est le signe que la vie continue, imprévisible, et belle, parce qu’imprévisible.