Israël vu de l’intérieur

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Comme vous le savez, je me trouve actuellement en Israël. Cela fait maintenant près de quatre mois que je sillonne ce pays de long en large. Et j’affirme avec certitude que mon expérience sur ces terres va se prolonger bien au-delà de ces quelques mois.


Il m’est très difficile, intellectuellement, de communiquer en ce moment. Car je sais à quel point les informations que vous lisez ou entendez en ce moment sur Israël sont violentes et catégoriques.


Mais ce matin, j’ai senti qu’il était temps d’exprimer mon propre point de vue.


Les événements qui ont eu lieu ces dernières semaines, et d’autant plus ces derniers jours, tels que relayés par les médias internationaux, nous poussent à tirer une conclusion : Israël est un pays dangereux et meurtrier. En découle une seconde conclusion :  « N’y allez pas ! Boycottez Israël ! ». Car se rendre en Israël impliquerait non seulement de prendre un risque, physique, par rapport à l’instabilité géopolitique actuelle, mais reviendrait aussi à s’ériger contre la morale, en cautionnant les affrontements qui ont eu lieu avec Gaza.


Or, voici ce que je tiens à souligner.


Considérer Israël sous ce seul axe, c’est réduire Israël à une identité politique et plus encore, médiatique.


C’est ignorer que sur ces terres, vivent plus de huit millions d’individus, aussi différents les uns des autres que nous pouvons l’être dans notre propre pays, quel qu’il soit. Des individus avec des cultures différentes, des origines différentes, des religions différentes, des points de vue différents.


C’est ignorer que ce qui se passe actuellement aux frontières est la conséquence d’une situation géopolitique extrêmement complexe, dont la compréhension ne peut se résumer à un seul article de quelques lignes, comme il est donné de lire dans les journaux.


C’est bien là l’un des drames de nos systèmes actuels : la simplification. Qu’il s’agisse d’Israël ou d’autres sujets, on nous impose très souvent une vision manichéenne, réductrice, justifiée par un souci de rapidité, d’instantanéité de l’information, qui malheureusement échappe bien souvent à l’objectivité, ce que subissent bon nombre de journalistes.


L’info doit être résumée en un titre, plusieurs caractères, et quelques mots. En une phrase choc, qui va retenir l’attention. Quand bien même un article, une émission, révèlerait une analyse constructive, arrive un rédacteur qui va en extraire la seule partie qui l’intéresse - et qui va soutenir sa propre opinion - en ignorant le contexte même de l’extrait.


Je vais être extrêmement directe en exprimant ce que je pense de cela : ce phénomène - de simplification, de réduction et d’extraction de l’information - lorsqu’il est réalisé sciemment, est à la source même de l’influence et la manipulation.


Or, pour ceux qui suivent mes activités, vous savez à quel point une notion m’est chère : la liberté. La liberté de penser, de m’exprimer et d’agir.


La liberté d’être.


Saisir cette liberté, c’est s’extirper des différentes influences et des manipulations auxquelles nous sommes soumis au quotidien.


Ceci me pousse à me hisser au-delà de la politique, des opinions, des préjugés, des idées préconçues, à me hisser au-delà même de ce qu’est ma propre identité à un instant donné, pour découvrir et recevoir ce qu’une région, une terre ou un pays souhaite me révéler.


Je ne suis pas guidée par la politique mais par l’humain. La nature humaine. L’individualité par delà le groupe. C’est probablement ce qui distingue le voyageur du journaliste.


Et c’est dans cet esprit de totale liberté que je parcours Israël.


Je n’ignore pas ce qui a lieu en ce moment, loin de là. J’étais dans le Golan à la veille des affrontements avec l’Iran. J’ai entendu les bombardements en Syrie, vu d’étranges lumières parmi les étoiles, entendu les drones et les avions de chasse israéliens en pleine nuit. J’étais à Jérusalem lors du déménagement de l’ambassade des Etats-Unis. À chaque fois, j’ai reçu des messages d’amis, en France, qui me demandaient de revenir, de quitter le Golan, puis Israël, car ils craignaient pour ma sécurité.


Bien sûr j’ai parfois eu peur.

Mais je suis restée.


Non par ignorance. Mais au contraire, par conscience. La conscience qu’il y a bien d’autres choses que l’échiquier géopolitique au centre duquel Israël se trouve.


Ce que je découvre ici, c’est l’existence d’une terre, avec une énergie puissante et unique, que je n’ai ressentie nulle part ailleurs, une nature belle et intense, infiniment riche et fertile, et d’incroyables personnes, avec qui j’ai eu la chance de partager des instants de vie.


Des personnes qui œuvrent pour le rapprochement des cultures, des religions, qui travaillent main dans la main, malgré les différences.


Des personnes, religieuses ou non, qui possèdent un niveau de spiritualité qu’il m’a été rarement donné de rencontrer.


Des personnes issues du monde entier, qui ont parfois elles-mêmes voyagé dans le monde entier, et qui se sont senties littéralement appelées à venir ou revenir en Israël, car c’est ici qu’elles trouvent l’énergie dont elles ont besoin.


Et comme s’il s’agissait d’un lien à tout cela, il y a l’amour. Beaucoup d’amour et de volonté de paix.


C’est pour cela que j’aime Israël. Profondément.


Mais cela, vous ne l’entendrez ni dans le discours des politiques ou des médias.


Car pour le découvrir, je me suis fiée à l’énergie de la terre, cette terre qui m’a appellée à elle.


Je me suis fiée à cette énergie de l’invisible qu’on commence à percevoir lorsqu’on est prêt, intérieurement, lorsqu’on passe de longues heures et de longues semaines à ressentir les lieux, les personnes, pas après pas, chemins après chemins, rencontres après rencontres.


Ceci exige du temps, beaucoup de temps, de patience, d’ouverture et d’écoute. Ceci exige d’avoir suffisamment d’espace libre en soi-même, pour recevoir ce qui est, et non ce qui semble être.


Pour cela, je me suis fiée au hasard de ma longue marche à travers le pays, en m’arrêtant chez les gens qui m’accueillaient, avec une telle générosité, en discutant avec ceux qui vivent ici, depuis plusieurs années ou depuis toujours, des gens comme vous et moi qui aspirent à une chose : vivre en harmonie avec ce qu’ils sont, intérieurement, et avec leur environnement.


Je me suis fiée à ce que je ressentais, au plus profond de moi.


Alors oui, la situation ici est infiniment complexe, et je suis profondément attristée pour ces morts, ce sang, et ces violences. Et je prie de tout mon cœur pour qu’un jour cela cesse, ici et plus généralement dans le monde entier.


Nul être humain aspire à se trouver dans cette situation donnée, extrême, d’un côté ou de l’autre. Nul être humain aspire à vivre dans la haine et dans un état de conflit permanent. Nul être humain aspire au malheur.


Le monde est bien plus que des catégories sociales, ethniques, religieuses ou politiques. Il est une somme d’individualités, d’êtres humains, qui possèdent chacun, en eux-mêmes, un monde à part entière. C’est pourquoi chacun est digne de respect et d’intérêt.


Ne voyons pas le monde comme une simple ligne que nous pouvons fragmenter.

Mais comme un cercle, et plus encore un point unique où se rencontre une seule et même volonté d’amour et de paix.


Il ne tient qu’à nous-mêmes de voir le monde comme nous le voulons.


Paix

Peace

Shalom שלום

Salam سلام