Tout ce que la Picardie m'a apporté

Quand je rencontre de nouvelles personnes, je perçois très souvent au fond de leur regard une étincelle de curiosité et d'interrogation, qu'elles finissent par formuler timidement par :

"Quelles sont vos origines ?"

Je réponds alors avec un air sérieux :

"Je suis née et j'ai grandi dans la Somme, en Picardie. Pourquoi ? Ça ne se voit pas ?"

En général, j'éclate de rire juste derrière, et j'ajoute :

"En fait, ma mère est indonésienne et mon père franco-italien. D'où mon nom, Bortoletto, et d'où mon air eurasien !"

Et oui, malgré ces origines diverses qui, d'une certaine façon, me prédisposaient à m'ouvrir au voyage, je suis avant tout PICARDE.

Et fière de l'être.

La Picardie est une région dont on parle peu. Même si je sais qu'aujourd'hui, elle est dissoute dans une région plus vaste, qui porte un nom qui me laisse perplexe : les Hauts-de-France, j'aimerais vous parler de cette Picardie qui fut la mienne.

Dans l'imaginaire de ceux qui ne la connaissent pas, la Picardie, c'est le Nord, au sens large. La pluie et la grisaille. La tristesse. La déprime. Certains disent que c'est une région sinistrée.

En plus, les Picards, c'est pas vraiment les Ch'tis. Eux, ils sont encore plus au nord, le "vrai" nord, et ils ont au moins la réputation "d'avoir dans le coeur le soleil qu'ils n'ont pas dehors". Alors bon, puisque les Picards ne sont pas les Ch'tis, qui sont-ils ? À vrai dire, on ne se pose pas vraiment la question. Quel intérêt ? De toute façon, on ne compte pas aller là-bas.

Ainsi la Picardie tombe-t-elle plus ou moins dans l’ignorance collective.

Et pourtant, cette Picardie, je l'ai aimée.

La Picardie, c'est avant tout la campagne, les champs à perte de vue, très légèrement vallonnés, séparés par un dédale de chemins de terre, creusés année après année par les roues des lourds et bruyants tracteurs.

La Picardie, c'est aussi la baie de Somme, et c'est par là que j'ai grandi. On y voit les phoques, la mer, l'horizon sans fin, les falaises de craie où l'automne, les vagues se fracassent violemment. On y voit également les milliers d'oiseaux du Parc du Marquenterre, où l'on peut flâner à pied des heures durant.

La Picardie, c'est une infinité de petits villages, où de jolies fleurs égayent le rebords des fenêtres au printemps, où vivent des milliers de personnes qui aiment LEUR campagne, et qui aiment LEUR région, peu importe son nom.

C'est cette région qui a vu naître mes rêves.

Oui, c'est plutôt plat par là-bas. Mais ça a attisé mon désir de découvrir les reliefs, les montagnes, plus hautes, encore plus hautes.

Oui, les gens sont plutôt fermés, au premier abord. Mais ça m'a poussé à combattre ma grande timidité, en me disant que si je n'allais pas leur parler, ils ne m'ouvriraient jamais leur porte.

Oui, c'est la campagne, il n'y a pas grand chose à faire. Et bien c'est probablement ce que j'ai le plus adoré ! Parce qu'il y a TOUT à imaginer ! Je me suis promenée des journées entières parmi les champs et les bois, seule ou avec mes copines, inspirant DÉJÀ l'air de la liberté (parfois entrecoupé des odeurs de fumier !).

C'est en foulant ces chemins de terre que j'imaginais un jour fouler d'autres chemins, d'autres terres, des terres inconnues. C'est à travers les bois que j'imaginais un jour faire un métier palpitant, rempli d'action et d'aventure.

C'est en vivant dans cette région, en l'observant, en la respirant, en la ressentant avec la plus belle innocence de l'enfance, que je rêvais d'être ce que je suis aujourd'hui.

J'y ai fait mes premiers pas, prononcé mes premiers mots, lu mes premiers livres, écrit mes premières histoires, vécu mes premières aventures. C'est là où j'ai noué mes plus belles et fortes relations d'amitié - qui durent jusqu'à aujourd'hui - où j'ai reçu une éducation qui m'a permis d'envisager des études supérieures, où j'ai développé un goût prononcé pour les choses VRAIES, authentiques, les choses de la nature, les choses de la Vie.

Ainsi la Picardie m'a-t-elle apporté TOUTES les bases pour que je puisse réaliser mes rêves.

C'est pourquoi j'aimerais dire aujourd'hui, à tous ceux qui pensent être désavantagés, car ils ne sont pas nés dans une région plus urbaine, plus "riche", dans une plus grande ville, et encore moins à Paris, DÉTROMPEZ-VOUS.

Car vous possédez TOUT ce qu'il vous faut pour construire l'avenir que vous envisagez.

Vivre à la campagne, c'est vivre au contact de la terre, c'est développer des racines fortes qui nous permettent, ensuite, de grandir, d'évoluer, et de nous élever, et ce, malgré les intempéries que nous aurons à connaître.

Seule ne compte que notre volonté.
Notre volonté d'apprendre et d'agir.
Notre volonté d'être.

Linda

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PS : Photo de moi, petite, dans ma maison en Picardie, avec mon chien ADORÉ, qui a grandi à mes côtés !