5 enseignements que le voyage m’a apportés

Zanskar Zangla Palace

Il y a 3 ans exactement, je revenais d’un voyage de 5 mois au cours duquel j’avais suivi la transhumance des rennes jusque la mer de Béring, rencontré le messager du peuple aléoute, et traversé l’Alaska à vélo.

Après un tel voyage, deux attitudes sont possibles :

  1. Soit vous considérez que vous avez accompli un beau projet. Vous l’affichez fièrement sur vos étagères, au côté de vos autres trophées puis vous continuez votre vie comme si de rien n’était.
  2. Soit vous prenez conscience de l’impact que ce voyage a eu sur vous. Vous en tirez les enseignements et vous adaptez votre vie en conséquence.

À mon retour, j’aurais donc pu arrêter là. Mais si je vous confie que, dès que j’eus posé les pieds à Paris, je me mis à chercher un point de chute où il m’était possible de concilier vie sereine, activité professionnelle indépendante et voyage, vous devinerez laquelle des deux attitudes j’ai adoptée. Je jetai mon dévolu sur la Pologne. J’y établis mon camp de base et je repartis. Indonésie, Himalaya, Sibérie, Kirghizistan. J’enchaînai des voyages de plusieurs mois pour poursuivre ce que j’avais initié 3 années auparavant : l’apprentissage du monde, des autres et de moi-même.

Aujourd’hui, j’ai tenu à réaliser un premier bilan pour vous faire part de 5 enseignements que cette vie dédiée au voyage et aux rencontres m’a apportés. Cette liste n’est pas exhaustive et elle a vocation à être poursuivie !

1. Notre vie nous appartient

Parmi les valeurs que je défends, il y a le partage et l’altruisme. Alors, si je vous dis de penser d’abord à vous avant de penser aux autres, cela risque de vous paraître contradictoire ! Pourtant, je pense que c’est d’abord en nous tournant vers nous que nous pourrons ensuite nous tourner vers l’autre.

Notre vie nous appartient et nous avons le pouvoir de l’orienter dans une direction ou une autre. Lorsque je décidai de tout quitter pour l’aventure (voir cet article), je ne vivais pas comme une ermite. J’avais un mari, une mère qui souhaitait devenir grand-mère, un employeur, un crédit et un chat. Je ne vous parle pas des autres détails matériels : ma première voiture, les verres en cristal de ma grand-mère, des meubles …

J’ai tout laissé derrière moi. J’ai emménagé dans un nouvel appartement entièrement meublé et j’y ai posé mes deux valises et un sac à dos. J’avais pris mes fringues, quelques précieux souvenirs de famille, et mon ordinateur portable.

Évidemment, j’ai essuyé un bon nombre de reproches et de critiques : « Tu es irresponsable », « Tu nous a abandonnés », « Ton attitude est déraisonnée », « On ne te comprend pas », « Mais quand auras-tu des enfants ? », « Les voyages, c’est pour forger la jeunesse, pas pour toi ». Vous voulez que je vous dise la vérité ? Peu importe ce qu’on me disait, je savais que j’avais fait le bon choix. J’avais récupéré quelque chose d’inestimable que nul autre n’aurait pu me donner : ma liberté.

Le lac Kluane au Yukon

Alors, oui, je l’avoue, j’ai été égoïste. Je suis allée à l’encontre des normes, des cadres, de ce qui était qualifié de « raisonné ». Mais j’étais face à un ultimatum : soit je prenais ma vie en main pour me consacrer à ce qui m’animait profondément : le voyage, soit je mourais à petit feu dans l’indifférence du quotidien.

Je me suis tournée non pas vers un simple désir, mais un besoin. Ma vie m’appartenait et il m’appartenait de la façonner en fonction de ce que j’étais vraiment.

2. Ne pas posséder ne doit pas effrayer

Lama Wangchuk et moi à Zangla

Bien après m’être délestée de tous mes biens, un moine bouddhiste que je rencontrai au Zanskar m’apprit que l’une des quatre nobles vérités du bouddhisme était : « La souffrance est causée par le désir et l'attachement aux choses. »

Ce postulat millénaire suffit à expliquer bien des maux de nos sociétés modernes. Nous cherchons à posséder, qu’il s’agisse des biens ou des personnes, et loin de nous satisfaire de ce que nous avons déjà, nous en voulons toujours davantage. Cela engendre inévitablement des sentiments négatifs tels que l’insatisfaction, la jalousie, la frustration, la dépression.

De retour de mon premier voyage, je fus confrontée à une situation très difficile. Sans travail ni aide quelconque, les réserves d’argent que je possédais fondaient comme neige au soleil. J’étais à Paris, et à 30 ans, je me mis en colocation (merci Ophélie de m’avoir accueillie). Ce serait vous mentir si je vous disais que j’étais sereine. Non. Je sombrai dans la panique. C’est dans ces moments que vous comprenez qu’en réalité, vous êtes seuls. J’avais créé mon entreprise individuelle et je me rattrapais à mille et un projets sans aucune cohérence. Quelques mois se passèrent où je flirtai avec le 0 de mon compte en banque. Encore imprégnée de la nature dans laquelle j’avais vécu, le monde me paraissait absurde et irréel. Paris m’étranglait.

Finalement, je me repris. Pour mettre un terme à mon affolement, je me rappelai ce que j’avais obtenu en quittant tout : ma liberté. Cela n’avait pas de prix. Les problèmes matériels m’aveuglaient. Je repensai à l’expérience fabuleuse que je venais de vivre. Je me recentrai sur moi pour redéfinir des objectifs clairs, en cohérence avec mes aspirations profondes.

C’est ainsi que je retrouvai mon optimisme. Je renouai avec ma volonté d’avancer et de vaincre les obstacles. Je repartis vers ce que j’étais : le voyage et le partage. Curieusement, dès que j’eus modifié ma façon de voir les choses, un mécanisme se réenclencha et je parvins peu à peu à atteindre mes objectifs. Depuis, la patience et la persévérance sont mes meilleures alliées.

3. Nous sommes capables d’aller plus loin que ce que nous imaginons

Quand je décidai de voyager seule à l’extrême orient de la Sibérie, au Kamchatka, puis de traverser la mer de Béring pour me rendre sur les îles aléoutiennes, tout le monde me dit : « Tu es folle, c’est trop dangereux ! », « Traverser la mer de Béring, impossible ! », « Les Tchouktches sont des barbares, ils vont t’agresser ! ».

Pendant ma traversée de l'Alaska à vélo

Le fait est que je me suis rendue au Kamchatka, j’ai vécu avec les Tchouktches – qui ne m’ont pas agressée – j’ai trouvé un navigateur avec lequel je devais traverser la mer de Béring (ce sont les conditions météorologiques qui finalement nous en empêchèrent), et je me suis rendue sur l’île d’Atka, qui se situe au centre de la chaîne aléoutienne. En prime, j’ai traversé l’Alaska à vélo, à l’aube de l’hiver, en dépit des « Tu vas être coincée par la neige », « C’est trop long, tu ne vas pas y arriver ».

Ainsi, je peux vous affirmer que les seules limites qui existent sont celles que nous nous fixons.

Je pourrais vous donner un tas d’autres exemples tirés de mes voyages suivants. Toutefois, s’il est possible d’atteindre des objectifs ambitieux, rien n’arrive seul. Je crois profondément au pouvoir de la volonté, et celui-ci doit nécessairement être couplé à beaucoup de travail et d’ouverture. Ne vous lancez pas dans quoi que ce soit sans un minimum de préparation et sans ponctuellement relever la tête pour faire un point de situation.

Quelques fois, l’objectif que nous nous sommes fixé n’est pas le bon. Dans ce cas-là, rien ne sert de s’acharner, il faut le modifier, et pour ce, il faut savoir prendre du recul et rester réceptif aux facteurs extérieurs. C’est à cette condition que nous pouvons prendre conscience de nos éventuelles erreurs. Par expérience, ce n’est pas évident. Tout est une question d’équilibre entre : ce que vous voulez profondément (et cela doit correspondre à une envie profonde, pas un caprice), et la façon dont certains paramètres vont influer sur votre objectif.

D’ores et déjà, ne considérez pas les recommandations des personnes qui ne connaissent rien, ni de vous, ni de votre projet, comme des facteurs extérieurs valides ! Alors, comment savoir si vous faites bonne ou fausse route ? Ma réponse est dans mon 4ème enseignement : l’intuition.

4. Notre intuition est notre meilleur guide

J’adore mon intuition. Et je ne pense absolument pas que cette faculté soit le privilège des femmes ! Nous pouvons tous ressentir cette énergie en nous. Il faut simplement modifier notre façon de regarder, de percevoir les choses.

Cette petite voix intérieure, que nous distinguons difficilement de celle de la raison, nous murmure toujours la vérité. C’est elle qui me martelait continuellement que je faisais fausse route dans mon ancienne vie, tant sur le plan personnel que professionnel, mais pendant plusieurs années, ma raison l’emportait. La société contraint nos pensées. Puis le jour arriva où je lâchai prise. Dès lors, mon intuition fut mon meilleur guide et je me promis de ne plus jamais l’ignorer.

L'inscription tibétaine Om mani padme hum sur mon chemin au Zanskar

Je considère le voyage en solitaire comme un formidable "laboratoire de l’intuition". En effet, vous vous retrouvez dans un milieu culturellement différent, où vos repères habituels s’effacent. Vous êtes en quelque sorte comme un nouveau-né qui découvre un nouvel environnement. Vos sens sont pleinement réceptifs. Et c’est d’autant plus vrai lorsque vous êtes en pleine nature.

D’autre part, vous n’êtes influencés par nulle autre personne que vous-même. Les décisions vous reviennent. Ainsi que la responsabilité de les assumer. Pas de « Tu vois, je te l’avais dit … » ou de « De toute façon c’est de ta faute … ». Vous apprenez à être votre propre leader. Alors, lorsqu’arrive le moment où vous devez prendre une décision, seules vos deux voix intérieures s’affrontent : votre intuition et votre raison. Quelques fois, elles s’accordent, d’autres fois, non. Vous avez sans doute compris que je vous conseille de suivre la première !

Mais comment la reconnaître ? L’intuition est une énergie, une force. Nous la ressentons dans nos tripes, dans notre cœur. Elle ne nous parle pas en « Premièrement, … Deuxièmement, … Troisièmement … ». Elle nous parle en sensations, en « Lui, je ne le sens pas », « Ici, ça craint », « Tiens, c’est agréable cet endroit ». Lorsque vous vous sentez mal, c’est elle qui s’exprime. Lorsque soudain, vous êtes profondément enthousiasmé par une décision que vous venez de prendre, c’est elle encore qui s’exprime.

L’écouter, c’est s’ouvrir vers ce qu’il y a de meilleur, et s’éviter un tas d’ennui. C’est découvrir une tonne d’opportunités que notre raison dissimulait.

5. Il reste de la bonté dans notre monde

Lorsque vous parcourez le monde, avec un sac à dos haut comme vous, pas lavé depuis plusieurs jours (ou semaines), la faim vous tiraillant l’estomac, vous prenez conscience du caractère précieux d’une main tendue.

Si je voyage dans des contrées reculées, où l’impact de la modernisation reste limité, c’est pour retrouver ce qui s’est dramatiquement perdu chez nous : le sens de l’entraide. Cela me rassure et je peux vous rassurer à mon tour sur une chose : il reste de la bonté dans notre monde.

Une grand-mère Kirghize qui m'accueillit chez elle

Le nombre de personnes qui m’ont aidée lors de mes voyages est incalculable. Je reçus des conseils, une bouteille d’eau, une pomme, un thé, des gâteaux, des saucisses d’orignal faites maison, du saumon frais, des hébergements … Je reçus des sourires, des rires, et des histoires de vie. Je reçus le plaisir de partager une autre culture, de vivre dans la nature, de vivre simplement. Je reçus la beauté du monde.

Lorsque nous nous retrouvons réduits à notre simple condition humaine, nous renouons avec une valeur noble : l’humilité. C’est une valeur oubliée dans nos sociétés. L’apparence, la possession et la démonstration de possession sont devenues un art aujourd’hui ! Il faut paraître, il faut avoir, il faut montrer qu’on a. L’image est devenue une obsession. C’est un poison.

En situation de dépouillement, nous nous rendons compte que devant l'immensité de la nature, nous ne sommes rien. Que sans les autres, nous ne sommes rien. Sans eux, nous ne sommes bons qu’à une chose : mourir dans l’oubli. Alors, rendons-leur ce qu'ils nous apportent, d’une façon ou d’une autre. En leur étant ouvert, en les écoutant, en les respectant, en ne les jugeant pas, en partageant.

Il ne s’agit plus d’avoir ni de faire. Il s’agit d’être.