Gérer le retour
On parle beaucoup de voyage. On parle beaucoup moins du retour de voyage. Si j'en parle maintenant, c'est que j'y trouve certaines similitudes avec la fin du confinement.
Pour mémoire, lorsque j'ai lancé le petit sondage sur la peur de l'après-confinement, la crainte commune à tous vos commentaires était celle que les choses ne changent pas, que tout redevienne "comme avant", que les réflexions, les désirs, les sensations qui ont émergé pendant le confinement, s'évanouissent, lentement, mais sûrement.
Or, cette crainte, c'est exactement celle que j'ai ressentie lorsque je suis rentrée de ma toute première aventure en Sibérie et en Alaska où, pour la première fois, j'ai touché du doigt l'essence de la vie, où je me suis sentie parfaitement alignée avec moi-même, où je me suis liée au langage de la nature, à la puissance de l'instant.
Après cette aventure, je suis donc rentrée en France, différente, sans pour autant mesurer la profondeur de mon changement. J'en ai pris conscience en me retrouvant face à mon ancien quotidien, celui de l'avant voyage, aux personnes que j'avais quittées. Je me suis sentie en décalage, à l'écart, dans une position de spectatrice et non d'actrice, hors de la scène. D'un coup, c'est un profond sentiment de solitude qui m'a saisie.
Les premières semaines de mon retour, j'ai étouffé mon malaise. Je compensais en partageant 2 ou 3 anecdotes de voyage, qui tombaient vite dans l'oubli, dans l'indifférence de ceux qui n'ont pas vécu l'expérience de l'intérieur.
Puis, j'ai réalisé qu'ignorer mon malaise, c'était ignorer mon changement. Et ignorer mon changement, c'était non seulement insulter tous les efforts que j'avais déjà fourni pour me permettre de vivre ce voyage extraordinaire, mais également insulter la vie, et le plus beau cadeau qu'elle m'avait offert : m'ouvrir les yeux sur son immense beauté.
J'ai alors de nouveau plongé en moi-même. Ce changement intérieur était précieux. Il m'appartenait de le nourrir, ou de le fuir. J'ai choisi de le nourrir. J'ai pris de la hauteur, observé de plus près ce que ce changement avait fait naître comme nouveaux désirs. J'ai également noté ce que je ne supportais plus, ce que je ne voulais plus supporter. Je me suis davantage ancrée dans mon ressenti, les sensations de mon corps, décryptant ce qui me crispait, ou au contraire, ce qui m'enjouait, me portait, me donnait des ailes.
Suite à ce constat, j'ai réalisé une chose. Une seule, oui. J'ai pris des décisions.
Des décisions qui n'ont certes pas été faciles, mais qui s'harmonisaient avec mon nouveau moi. Des décisions qui m'ont permis d'agir. En cela, non seulement j'ai respecté mon changement intérieur, mais j'ai honoré la vie. Je ne vais pas vous faire le récit de ce que je suis devenue, il vous suffit de voir ce que je fais aujourd'hui ! Vous devinerez que je n'ai strictement aucun regret.
Donc, pour revenir au sujet de l'après-confinement, il me semble que la véritable question est là : si changement intérieur il y a eu, prenons-nous la décision de le nourrir, ou de le fuir ?