Nos soupes intérieures

Il y a les sourires mécaniques qu'on offre aux autres, les photos toutes belles qu'on expose sur les réseaux, les mots prémachés qu'on sert sur un plateau. Ça brille, c'est propre, et le temps d'un instant, on y croirait presque nous-mêmes.

Et puis il y a tout le reste. On soulève le couvercle et on tombe sur notre soupe. Une soupe de plaies qui suintent encore, de rêves inavoués, de désirs inassouvis, de questions sans réponse. Une soupe de souffrances qui, ploc, éclatent comme des petites bulles sous notre nez. Ça peut bruler.

On peut être tenté de rabattre le couvercle, et parfois on le fait, c'est mieux quand les autres regardent. Mais quand tout le monde a quitté la pièce, qu'on se retrouve seul, ça commence à bouillir, ça fume, le couvercle tremblotte. Soit on le retire. Soit ça finit par déborder. Tôt ou tard, on est contraint de l'observer, cette soupe. On finit par la goûter.

Si je vous parle de tout ça, c'est qu'avec l'écriture, je me replonge dans mon expérience, mes notes et mes photos des Andes. La photo que vous voyez, je l'ai prise pendant les premières semaines de ma traversée. Je me suis sincèrement amusée quand je l'ai faite. L'air était frais, le paysage sublime. J'ai trouvé ça drôle de chercher l'équilibre sur cette pierre.

Mais il y a l'avant et l'après de cette photo : j'étais seule avec ma solitude et je pataugeais dans ma soupe. Car pour ceux qui l'ignorent encore, ce voyage faisait suite à un traumatisme. Ma soupe était beaucoup plus épaisse que je ne le pensais, c'était plus de la boue...

Je ne vais pas m'étendre sur la suite. J'écris un livre pour cela ! Le message que je souhaitais vous transmettre, c'est de ne jamais vous dire que ce que vous voyez chez les autres est la stricte réalité. Bien évidemment, ça peut l'être, mais c'est rarement le cas, d'autant plus sur les réseaux sociaux, qui poussent l'apparence à son paroxysme, et peuvent avoir l'effet pervers de nous complexer, voire nous déprimer.

Voilà, tout cela, vous le savez déjà sans doute. C'est juste mon expérience qui parle et c'est toujours bon de se le remémorer... N'est-ce pas dans les vieux pots qu'on fait les meilleures soupes ?!!