Mes 4 raisons de voyager seule
« Tu voyages seule ? » Ces trois mots reviennent comme un leitmotiv quand je parle de mes aventures. Oui, je suis une femme. Et je voyage seule. C’est un choix délibéré pour lequel voici 4 explications.
1. Expérimenter son intuition
L’intuition est un outil précieux. Nous la possédons tous. Les femmes certes, mais les hommes aussi ! Études scientifiques à l’appui ! Pendant des années, je l’ai ignorée. Et ça m’a amenée à côté de ce que j’étais vraiment. Dès lors que j’ai décidé de reprendre mon destin en main, c’était très clair : je devais me fier à mon intuition. Facile à dire. Plus difficile à faire…
Comment y accéder ? Je suis partie d’un constat simple : si cette voix se trouvait en moi, il me fallait être seule pour mieux la cerner. Je devais me défaire de toute compagnie, de toute influence extérieure. Il n’y aurait pas de « Tu vois, je te l’avais dit, c’était par là » ou de « Je savais qu’on aurait dû s’arrêter ici. Je le sentais. » Il y aurait juste moi, mon environnement, et mes propres décisions pour évoluer dans cet environnement. En d’autres termes : l’opportunité de faire ce que je veux, comme je le veux ! J’ai alors découvert que le voyage en solitaire était un véritable laboratoire de l’intuition.
Face à l’inconnu, j’apprenais à « sentir » les choses. Je réalisais des choix non pas dictés par ma raison, mais par mes sensations. Si un endroit, une rencontre, un chemin m’enthousiasmaient, si je sentais cette énergie positive au fond de moi, je savais que c’était le bon choix. Si au contraire, je commençais à douter, à me poser des questions, à hésiter, ou pire, à ressentir comme un frisson dans le dos, je savais que je devais fuir.
Un signe qui ne m’a jamais trompé : ce qui se dégageait du fond de mon ventre ; une agréable chaleur me désignait le « oui » alors qu’un pincement entre vertige et douleur m’indiquait le « non ».
En quatre années, ça a plutôt bien marché puisque d’une part, malgré ce « Je suis une femme et je voyage seule », je n’ai jamais connu de mésaventures ou du moins, rien d’insurmontable, et d’autre part, j’ai réalisé de merveilleuses et d’innombrables découvertes qui m’ont toujours amenée plus loin vers ce que je voulais vraiment. Le constat est là : depuis quatre ans, je vis la vie dont j’avais rêvé !
2. Favoriser la rencontre avec les autres
L’un des constats les plus frappants lors de mes voyages, c’est la curiosité des gens et leur volonté de m’aider. Et oui, lorsqu’une femme voyage seule, elle éveille en premier lieu des sentiments de protection, de compassion, et non l’agressivité ou la volonté de nuire. Lorsque j’arrive dans un village, les populations locales me proposent spontanément leur accueil. Cela va d’un simple thé à l’hébergement, en passant par des repas très typiques. Ces échanges sont riches en simplicité et en sincérité. Seule, je ne suis pas considérée comme une simple touriste ou trekkeuse, mais comme une personne en quête de partages et de découvertes.
Cela me permet de pratiquer ce qui constitue l’essence de mes voyages : l’immersion. Chaque année depuis 4 ans, je pars de 3 à 5 mois pour découvrir en profondeur la culture de certains peuples isolés. Cela requiert du temps. De cette façon, j’ai vécu 6 mois avec les Tchouktches du nord du Kamchatka, un peuple nomade éleveur de rennes, et 6 mois avec les nonnes bouddhistes du Zanskar. À chaque fois, j’ai passé auprès d’eux un été, puis je suis revenue un hiver entier.
Si j’ai pu me faire accepter aussi facilement auprès de ces communautés, et y rester si longtemps, c’est précisément parce que j’étais seule. Une personne seule, c’est plus pratique à accueillir et moins encombrant qu’un groupe, même de deux personnes ! Une fois les portes ouvertes, je n’avais plus qu’une chose à faire : me fondre dans la communauté. Telle une éponge, j’absorbais tout ce que je voyais de cette nouvelle culture pour me l’approprier : la langue, la façon de manger, de s’exprimer. J’oubliais mon propre savoir pour m’imprégner du leur. L’immersion était totale. L’expérience, intense. Et c’est ce qui rend le voyage d’autant plus mémorable.
3. Apprendre davantage sur soi-même
Il y a 4 ans, lorsque j'ai ouvert les yeux pour rependre mon destin en main, je fus comme au bord d’un précipice : « Qui suis-je vraiment ? » Si j’ai pu répondre à cette question, et franchir ce précipice, c’est uniquement en réalisant un travail d’introspection. Ce processus requiert une grande solitude : seul(e) vous pouvez vous faire face. Et s’il est vrai qu’il est utile de recueillir un point de vue extérieur, il émanera bien souvent de personnes qui ne vous sont pas proches, qui ne vous connaissent pas, et qui pourront porter sur vous un regard nouveau et, surtout, désintéressé.
La première étape de cette démarche fut de revenir à mes rêves de petite fille. L’innocence que nous possédons, enfant, est loin d’être synonyme de naïveté. Elle comporte les premiers indices de ce que nous sommes profondément. C’est ainsi que je me suis tournée vers le voyage. Par la suite, le voyage en solitaire m’a permis d’approfondir cette introspection.
Seule et en dehors de tout contexte habituel, je ne subissais plus le poids des normes ni aucune influence quelconque. Le voyage est libérateur : vous n’avez plus qu’à être ce que vous êtes. Ainsi, lorsque je marchais entre deux villages ou deux montagnes, j’étais libre de passer ma vie en revue, de réévaluer les décisions prises ou d’évaluer celles à prendre. Plus je sondais de nouvelles régions du monde, plus je me confrontais à la diversité, et plus je me sondais moi-même.
4. Expérimenter la marche méditative
L’un de mes voyages les plus marquants fut mon premier séjour au Zanskar. C’est un rêve étrange qui m’a poussée là-bas. Un rêve où je vis de majestueuses montagnes fauves, où j’entendis une puissante rivière, et où je fis tourner un objet resplendissant en forme de fleur de lotus.
J’ai commencé à m’intéresser au bouddhisme et j’ai découvert l’existence de cette région isolée, dans la partie indienne de l’Himalaya. Pendant 3 mois, j’ai sillonné à pied la vallée du Zanskar. Je suis restée plusieurs semaines auprès des nonnes de Karsha et de Zangla, j’ai partagé le quotidien de nombreux villageois, et j’ai découvert à quel point nature et spiritualité pouvaient être liées.
Lorsque l’heure du retour arriva, je décidai d’emprunter ce qu’il y avait de plus sauvage : le Junglam. Cette voie qui relie Zangla à Hémis longe les rivières et serpente entre les montagnes sur des centaines de kilomètres. Elle passe par 3 cols à plus de 5000 m. Au programme : 10 jours de marche en autonomie complète, puisqu’aucun village ne vient rompre cette enfilade de roches, de pierres et d’eau. Je suis partie seule, carte en main, boussole en poche et sac sur le dos. Quelques fois, un mince chemin se dessinait, un ruban volait au vent, un cairn minuscule se dressait ou des crottins de chevaux se glissaient entre les pierres.
Mais la plupart du temps, j’évoluais au cœur d’une nature intacte. Seule ma confiance en moi m’indiquait que j’étais dans la bonne direction. La marche se poursuivait une heure, 2 heures, 10 heures, dans une parfaite solitude. Si mes pensées parvenaient à s’accrocher dans les premiers instants, rapidement, elles succombaient au rythme prolongé et quasi mécanique de ma progression : je plongeais dans un état quasi méditatif. Le bruit de mes pas contre les pierres ou à travers les rivières, le souffle du vent entre les montagnes, la brûlure du soleil sur ma peau, toutes ces sensations me connectaient aux éléments d’un univers solennellement préservé. Dans l’ombre de l’effort et de la concentration, je glissais délicieusement dans la pleine conscience de ce qui m’entourait.
Je compare cet état à celui acquis lors de la méditation, puisque depuis, j’ai appris à méditer. La marche longue en solitaire, dans une nature puissante et imposante, est une pratique qui nous permet non seulement de nous ressourcer, mais aussi de renouer avec l’acte de contemplation et une notion fondamentale qui nous échappe trop souvent : l’instant.
(Cet article est extrait de celui que j'ai rédigé pour le magazine Carnets d'aventures n°41)